
Il y a décidément quelque chose qui me touche dans l’écriture de Delphine de Vigan.
Rien ne s’oppose à la nuit avait été un véritable choc et j’avais, par la suite, beaucoup aimé D’après une histoire vraie. Entre la famille qui détruit et l’amitié toxique, ces deux romans m’avaient pris aux tripes et je dois bien avouer qu’ils résonnent encore.
Et puis j’ai été bouleversée par Les Gratitudes l’année dernière, sûrement parce que l’aphasie est un sujet qui me touche de près, mais pas seulement. Delphine de Vigan a une façon de décrire les relations humaines qui touche, selon moi, à la vérité. Et c’est ce que j’ai retrouvé, une fois de plus, dans Les Loyautés.
Delphine de Vigan, décidément.
Les Loyautés aborde les mécanismes qui relient, contraignent parfois, les gens entre eux. Enfants et parents. Amis. Professeurs et élèves. On découvre Théo, un adolescent pris entre les feux de ses parents divorcés, loyal envers l’un et l’autre. Au risque de se perdre. Son camarade de classe, Mathis, est le témoin malheureux de sa dégringolade. A sa mesure, Mathis essaie de soutenir son ami, de l’aider sans pour autant trahir sa confiance. Impossible, par exemple, de se confier à sa mère, la discrète et effacée Cécile. Et puis il y a Hélène, la prof dévouée qui a développé, du fait de son passé d’enfant battue, un sixième sens pour détecter les élèves en danger. Son intuition ne lui ment pas mais elle donne rapidement l’impression de perdre les pédales.
Les héros sont touchants d’humanité. Ils traînent chacun leur boulet et se battent, souvent, contre eux-mêmes. C’est une histoire universelle qui nous est racontée dans une alternance de points de vue, à la 1ere personne pour les adultes (Cécile, Hélène) et à la 3e personne pour les enfants. Les personnages nous sont ainsi plus proches encore.
Je sais que les enfants protègent leurs parents et quel pacte de silence les conduit parfois jusqu’à la mort.
Aujourd’hui je sais quelque chose que d’autres ignorent. Et je ne dois pas fermer les yeux.
Parfois je me dis que devenir adulte ne sert à rien d’autre qu’à ça : réparer les pertes et les dommages du commencement. Et tenir les promesses de l’enfant que nous avons été.
Delphine de Vigan décrit les loyautés à la fois comme « nos ailes et nos carcans ». Elles nous portent, nous font avancer, nous soulagent des maux du quotidien. Et elles nous pèsent aussi, ces loyautés qui remontent souvent très loin, ces promesses à nous-même ou à d’autres, qui deviennent des contraintes et peuvent, parfois, donner lieu au chantage affectif.
La vie n’a rien d’un long fleuve tranquille sous la plume de Delphine de Vigan et c’est en explorant les méandres de l’âme avec vérité qu’elle nous rend ces histoires si proches, et si bouleversantes. A lire.
Les Loyautés, de Delphine de Vigan est disponible en Livre de Poche (2019, 192 pages).