
Il a fallu m’y prendre à plusieurs fois pour arriver à entrer dans ce roman. Deux, trois, quatre tentatives au moins. Comme si la douleur qui affleure dès les premières lignes m’avait rebutée. Je me suis accrochée. Et j’ai bien fait.
Rien ne t’appartient est un roman sur l’identité et les tréfonds de l’âme, un roman sombre et bouleversant sur l’histoire d’une femme qui a vécu l’horreur avant de se réinventer. Personne n’en a jamais rien su, elle a gardé pour elle le détail de ses fêlures. Elle a gommé sa première vie et a savamment entretenu l’illusion du bonheur.
Personne ne m’a dit : écoute-bien la radio, un jour ce sera à toi à genoux. Personne ne m’a dit : profite de ce ciel, de cette terre, de cette eau pendant qu’il est encore temps. Vautre-toi dedans, plonge, avale, étouffe-toi avec un peu, bientôt ce sera fini, bientôt tu sauras ce que c’est, une fille de ce pays.
Son mari décède et voilà l’armure qui craque. Le corps se souvient. Sensations, gestes, pas de danse, tout revient par vagues. Là où l’esprit, lui, a tout enfoui. Loin, très loin. Et puis les souvenirs, les fantômes, refluent. Ils la hantent, menacent de prendre le contrôle. Elle a peur de perdre la tête. Elle est fatiguée de lutter…
Si je me mettais à arracher les lianes, à laver les murs, à nettoyer les fresques, si je l’encensais de parfum chaque matin et y déposais des fleurs, cet endroit redeviendrait beau aux yeux de tous et alors je suis certaine qu’il m’échapperait parce que tout ce qui est beau nous est arraché.
Comme souvent chez Nathacha Appanah, l’héroïne vient de loin. On ne sait pas vraiment d’où. D’Inde sûrement. Du Sri Lanka peut-être. Comme souvent la vie n’est pas rose, l’histoire est cruelle, déchirante, les mots sont justes. Comme toujours j’ai été profondément remuée. J’aime décidément voir l’œuvre singulière de cette autrice se construire roman après roman. Vivement le prochain !
Rien ne t’appartient, de Nathacha Appanah, est paru chez Gallimard en août 2021 (160 pages).
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