
Mon amie C. a grandi dans les Vosges dans les années 1980-1990 et c’est ce qui lui rend les textes de Nicolas Mathieu si familiers. Elle en connaît le cadre, elle en connaît l’ambiance. Elle a aimé Leurs enfants après eux et Connemara. Quand je lui ai dit « Je n’ai jamais lu Nicolas Mathieu ! », elle m’a tendu Rose Royal. Voilà. Mon tout premier Nicolas Mathieu.
Rose a la cinquantaine et des jambes superbes. Elle est divorcée, elle voit rarement ses enfants. Son quotidien de femme seule oscille entre son travail, la journée, et le Royal, le soir. Rose boit, Rose fume. Rose a peur des hommes, elle a connu la violence. Alors un jour elle s’offre un calibre .38 qu’elle garde près d’elle, dans son sac à main. Ça la rassure, on ne sait jamais. Un soir Rose rencontre Luc. Ils se revoient, commencent à se fréquenter. Et boivent, beaucoup. Très vite Rose quitte son travail et son appartement pour emménager chez Luc. Et puis Luc fait le vide autour d’elle, et puis il devient violent. Et puis il s’excuse. Et puis…
C’est ainsi que Rose, qui s’était pourtant promis qu’on ne l’y reprendrait plus, se laissa progressivement glisser dans cet étui paradoxal du couple. Elle retrouva le confort des habitudes, de l’autre à qui dire les choses, des repas partagés. Elle fit des plans à deux. Elle renoua avec l’art si délicat de la concession. Elle réapprit à considérer d’autres intérêts que les siens. Peu à peu, elle entra dans cette escroquerie de la dépendance.
En moins de 80 pages, c’est tout le mécanisme des féminicides que Nicolas Mathieu déroule de façon implacable. Entre banalité du quotidien, temps qui passe, solitude des nuits alcoolisées et sexe raté, il nous livre un texte un peu poisseux et qui remue beaucoup, mais aussi un très beau portrait de femme.
Mon prochain Nicolas Mathieu ? Connemara, très certainement.
Rose Royal, de Nicolas Mathieu, est disponible aux édition in8, dans la collection Polaroid (2019, 77 pages).